Henry Sztern et Henry Sztern & Associés Inc. — 26 février 2008

Décision sur la conduite professionnelle

Qu'est-ce qu'une décision sur la conduite professionnelle?

Le BSF ouvre une enquête sur la conduite professionnelle d'un syndic autorisé en insolvabilité (SAI) lorsqu'il dispose d'information laissant croire que le SAI n'a pas rempli adéquatement ses fonctions, n'a pas administré un dossier comme il se doit ou n'a pas respecté la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (LFI).

Dans certains cas, les conclusions de l'enquête sont suffisamment graves pour donner lieu à une recommandation de sanction visant la licence d'un SAI [annulation ou suspension de la licence en vertu du paragraphe 13.2(5)] ou imposition de conditions ou de restrictions en vertu du paragraphe 14.01(1) de la LFI.

La décision sur la conduite professionnelle est assimilée à celle d'un office fédéral et peut faire l'objet d'un examen judiciaire par la Cour fédérale.

Le

par messager

Me Garry Wetzel
Département de la justice
Industrie Canada
Services juridiques
235 rue Queen, 1er étage, Tour est
Ottawa (Ontario) K1A 0H5

M. Henry Sztern
Henry Sztern & Associés Inc.
7431 Chemin Kingsley, App. 704
Côte-St-Luc (Québec) H4W 1P1

Henry Sztern & Associés Inc.
a/s Mr. Emilio Monaco
Monaco Avocats
6020, rue Jean-Talon
Bureau 720
Montréal (Québec) H1S 3B1

Objet: Procédures en vertu de la sous-section 14.02(1) de la Loi de faillite et d'insolvabilité sur la conduite professionnelle de Henry Sztern, titulaire d'une licence de syndic individuelle pour la province du Québec et de Henry Sztern & Associés inc., société titulaire d'une licence de syndic pour la province du Québec


Décision

Par sa requête du , M. Henry Sztern, en sa qualité de syndic, recherche le rejet des allégations contenues aux items A.1, B.2 et B.3 de la Déclaration de l'analyste sénior Sylvie Laperrière faite en vertu de l'article 14.02(1) de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (la « Loi »). Cette déclaration de l'analyste sénior Laperrière est datée du .

Au soutien de sa demande, M. Henry Sztern invoque ce qui suit :

« Traduction »
Que la demande écrite produite par les requérants contient certaines allégations qui (i) ne révèlent aucune cause d'action valable; (ii) sont vexatoires; (iii) sont sans pertinence et redondantes; (iv) risquent de nuire à l'instruction équitable de l'action et de la retarder; (v) constituent un abus de procédure :

Cette requête pour rejet d'allégations fait suite aux procédures qui suivent :

Le , l'analyste sénior Sylvie Laperrière formulait sa déclaration en vertu de l'article 14.02(1) de la Loi qui comporte quinze (15) allégations d'offenses à la Loi et aux règles générales sur la faillite et l'insolvabilité (les « Règles »).

À cette déclaration sont annexées quarante-trois (43) séries de documents (attachments) au support de chacune des allégations.

Le , M. Henry Sztern, en sa qualité de syndic, formulait devant le soussigné une requête pour précisions concernant les allégués contenus aux paragraphes A.1, B.2 et B.3 de la Déclaration de l'analyste sénior ci-devant mentionnée.

Le , tel que convenu lors de la conférence préparatoire tenue le , le procureur de l'analyste sénior Sylvie Laperrière produisait au dossier une lettre constituant une réponse initiale à la demande de particularités.

M. Henry Sztern répondait le même jour à cette lettre.

Le , par lettre de son procureur, à laquelle était annexé un grand nombre de documents, l'analyste sénior Laperrière produisait sa réponse à la demande de particularités formulée par M. Henry Sztern.

Au cours de la conférence préparatoire du , M. Henry Sztern a informé le soussigné que, concernant les allégations des paragraphes G.9, J.15, K.17, L.18, M.19 et N.20, d'autres procédures judiciaires étaient en cours devant la division civile de la Cour supérieure.

Le , le procureur de l'analyste sénior Sylvie Laperrière produisait au dossier une lettre, avec documents annexés, référant aux détails des autres procédures intentées eu égard aux items G.9, J.15, K.17, L.18, M.19 et N.20 de la Déclaration de l'analyste sénior Sylvie Laperrière.

Le , le procureur de l'analyste sénior Sylvie Laperrière produisait une lettre également adressée à M. Henry Sztern et à Henry Sztern & Associés inc., à Me Emilio Monaco, procureur de Henry Sztern & Associés inc., lettre à laquelle était annexé le rapport de Sonia Michaud, spécialiste en écritures et documents, à la Gendarmerie Royale du Canada, en plus de son curriculum vitae et des documents qui lui avaient été soumis aux fins d'analyse.

Par lettre du , adressée au soussigné, à M. Henry Sztern et Henry Sztern & Associés inc., à Me Emilio Monaco, le procureur de l'analyste sénior Sylvie Laperrière, produisait une déclaration amendée de ladite analyste sénior, y compris des amendements aux annexes originales de la Déclaration, soit les annexes 11 et 12 (attachments 11 and 12).

La requête pour rejet d'allégations a été entendue le .

Analyse

Les parties conviennent que les procédures devant le soussigné sont de nature « of a regulatory prosecution » ou disciplinaire.

La déclaration de l'analyste sénior Sylvie Laperrière réfère à l'article 14.01(2) de la Loi. Cet article édicte que " le Surintendant peut, par écrit et aux conditions qu'il précise dans cet écrit, déléguer tout ou partie des attributions que lui confèrent respectivement les paragraphes (1), les paragraphes 13.2(5)(6)(7) et les articles 14.02 et 14.03 ».

C'est à l'intérieur de l'article 14.01 et des pouvoirs qui y sont décrits que l'on retrouve le caractère de « regulatory prosecution » ou le caractère disciplinaire de la procédure devant le soussigné. Qu'il suffise de citer à cet effet l'article 14.01 (1)

14.01(1) Après avoir tenu ou fait tenir une enquête sur la conduite du syndic, le surintendant peut prendre l'une ou plusieurs mesures énumérées ci-après, soit lorsque le syndic ne remplit pas adéquatement ses fonctions ou a été reconnu coupable de mauvaise administration de l'actif, soit lorsqu'il n'a pas observé la présente loi, les Règles générales, les instructions du surintendant ou toute autre règle de droit relative à la bonne administration de l'actif, soit lorsqu'il est dans l'intérêt public de le faire :

  1. annuler ou suspendre la licence du syndic;
  2. soumettre sa licence aux conditions ou restrictions qu'il estime indiquées, et notamment l'obligation de se soumettre à des examens et de les réussir ou de suivre des cours de formation;
  3. ordonner au syndic de rembourser à l'actif toute somme qui y a été soustraite en raison de sa conduite.

Les parties référant au caractère disciplinaire de la présente procédure conviennent que cette procédure doit être considérée comme étant de nature quasi pénale et qu'elle est sujette à l'obligation de « disclosure » ou d'information.

D'ailleurs, sur cette question de l'obligation de « disclosure », la Cour fédérale d'appel, dans la cause Todd Y. Sheriff, personne physique titulaire d'une licence de syndic et Segal & Partners Inc. c. Le procureur général du CanadaNote de bas de page 1 a établi les principes de cette obligation :

« Traduction »
[33] Les tribunaux judiciaires provinciaux continuent d'étendre les obligations de communication dans les auditions disciplinaires des professions, appliquant les principes de Stinchcombe aux affaires où l'organisme administratif pourrait retirer ou restreindre le droit d'exercice de la profession ou porter gravement atteinte à la réputation professionnelle; voir Hammami c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia (1977), 47 Admin. L.R. (2d) 30 (C.S.C.-B.), au paragraphe 75; et Milner c. Registered Nurses Association (British Columbia) (1997), 71 B.C.L.R. (3d) 372 (C.S.). Dans l'arrêt Stinchcombe, la Cour suprême du Canada a statué que le ministère public est soumis à l'obligation générale de communiquer à l'accusé tous les éléments de preuve qui pourraient l'aider dans sa défense, même ceux que l'accusation ne prévoit pas de produire. Si ces principes ne s'appliquaient à l'origine qu'au contexte du droit pénal, les analogies entre les poursuites au pénal et les auditions disciplinaires s'avèrent telles que les objectifs sont, selon mon analyse, les mêmes, soit la recherche de la vérité et l'obtention du résultat juste.

[34] Dans la présente espèce, les syndics risquent la suspension de leur licence et une atteinte à leur réputation professionnelle. Afin qu'ils puissent bien comprendre les faits qui leur sont opposés et que leur soit garantie une procédure disciplinaire équitable, ils doivent avoir accès à tous les éléments pertinents susceptibles de les aider. Cette conclusion est conforme à la décision qu'a déjà rendue le surintendant, selon laquelle l'analyste principale était tenue de communiquer tous les documents à moins qu'ils n'aient « visiblement rien à voir avec l'affaire »

(ii) Les obligations de communication d'origine législative

[35] Je suis conforté dans ma conviction que les principes de Stinchcombe s'appliquent effectivement au présent appel par la prise en considération des obligations que prévoient pour le surintendant les paragraphes 14.01(1), 14.02(1) et 14.02(2), ainsi que des procédures établies par ce dernier dans un document intitulé Processus disciplinaire prévu aux articles 14.01 et 14.02 de la Loi (la Directive du surintendant).

[…]

[38] La section 8 du même document exige en outre du surintendant qu'il offre au syndic une possibilité suffisante de se préparer à une audition publique après avoir reçu avis de l'ouverture, sur sa conduite, d'une enquête susceptible de donner lieu à une « sanction disciplinaire ». (Voir le dossier d'appel, appendice 1, page 1578.)

[39] La Cour suprême du Canada a énuméré certains des facteurs à prendre en considération pour établir le niveau d'équité procédurale qu'exige une affaire donnée dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.

[40] Premièrement, pour ce qui concerne la nature de la décision à rendre, la Cour suprême postule dans Baker que plus la procédure administrative se rapproche de la procédure judiciaire, plus l'exigence d'équité procédurale sera en principe rigoureuse. S'il est vrai que les affaires soumises au surintendant doivent être réglées sans formalisme (eu égard aux circonstances et à l'équité), le syndic en cause n'en risque pas moins l'annulation ou la suspension de sa licence – conséquences qui influent aussi bien sur son revenu que sur sa réputation professionnelle. Il s'ensuit que l'importance de la décision pour le syndic donne à penser, si l'on en juge d'après Baker, qu'un niveau plus élevé d'équité procédurale s'impose dans ce cas (voir Kane, précité, au paragraphe 31).

[41] Les autres facteurs contextuels relevés dans Baker n'influent pas sur l'obligation d'équité à établir dans le présent appel. Vu les faits qui m'ont été présentés, les autres facteurs énumérés dans Baker — la nature du régime applicable, les attentes légitimes et le choix de la procédure — ne militent ni dans un sens ni dans l'autre pour ce qui est du niveau d'équité procédurale à garantir au syndic.

[42] Tout bien considéré, des prescriptions applicables aux procédures disciplinaires susceptibles de donner lieu à des sanctions sous le régime des articles 14.01 et 14.02, ainsi que de la Directive du surintendant, découle l'obligation manifeste de communication pleine et entière au syndic, analogue à celle que définissent les principes de l'arrêt Stinchcombe. En conséquence, le juge des demandes, à mon humble avis, a commis une erreur de droit en limitant l'obligation de communication au premier rapport et aux renseignements sur la base desquels il a été établi.

La question posée par la requête en rejet d'allégations formulée par M. Henry Sztern, qui est de la nature d'une « motion to quash » ou d'un non lieu, est de déterminer si, à ce stade de la procédure, l'analyste sénior Sylvie Laperrière s'est déchargée de cette obligation de divulgation de la preuve qu'elle entend soumettre au soutien de sa déclaration.

Cette divulgation doit faire en sorte que les défendeurs, M. Henry Sztern et Henry Sztern & Associés inc., possèdent des détails suffisants pour pouvoir préparer une défense pleine et entière ou encore reconnaître les faits allégués, et ce, lors d'une audition équitable et juste.

À ce sujet, dans la cause R. v. Cote, (1977), 33 C.C.C. (2d) 353, 40 C.R.N.S. 308 (S.C.C) :

« Traduction »
la règle par excellence est que l'accusé doit être raisonnablement informé de l'infraction qu'on lui impute, pour lui donner ainsi la possibilité d'une défense complète et d'un procès équitable. Lorsque, comme en l'espèce, la dénonciation énumère tous les faits et les relie à une infraction déterminée, identifiée par l'article pertinent du Code, il est impossible que l'accusé soit induit en erreur. Admettre le contraire serait retourner au formalisme extrême de l'ancienne procédure.

Également dans la cause R. v. WIS Developments Corporation Ltd., (1984), 12 C.C.C. (3d) 129 (S.C.C.), à la page 137, le juge Lamer de la Cour Suprême du Canada écrit ce qui suit :

« Traduction »
Dès qu'il est inculpé, le citoyen doit alors être traité équitablement. Cela implique nécessairement qu'il doit être en mesure d'identifier clairement le méfait qu'on lui impute afin qu'il puisse préparer une défense adéquate et que, dès le début de son procès ou, ultérieurement, lorsque l'affaire aura été portée devant une autre cour, il puisse faire valoir qu'il a déjà été acquitté ou déclaré coupable relativement à cette infraction ou qu'il jouit de la protection des principes énoncés dans l'arrêt Kienapple c. La Reine, [1975] 1 R.C.S. 729.

Il ne faut pas confondre suffisance des informations avec la force probante de la preuve à être faite de ces faits et/ou des éléments nécessaires au maintien des allégations de la déclaration de l'analyste sénior. Cette confusion semble, à la lecture de la requête pour rejet d'allégations, évidente.

Dans la présente affaire, considérant les informations contenues à la déclaration, y compris la référence aux articles de la Loi, considérant l'identification des gestes reprochés, considérant les informations contenues aux quarante-trois (43) annexes à ladite déclaration, considérant les informations contenues aux détails fournis par les divers documents produits, il nous apparaît que l'analyste sénior Sylvie Laperrière s'est déchargée de son obligation de divulguer ou d'informer et que le requêtant est raisonnablement informé de ce qui lui est reproché.

En conséquence, la requête pour rejet d'allégations est rejetée.

Original signé par

Champ de saisie de la signature

André Deslongchamps
ASE/sl


Autorités soumises

  • Sam Lévy and Associates Inc. v. Canada (Superintendent of Bankruptcy, [2005] F.C.J. No. 882
  • R. v. Côté, [1978] 1 S.C.R. 8
  • Regina v. Ryan; Regina v. Charbonneau, 23 C.C.C. (3d) 1
  • R. v. Wigglesworth, [1987] 2 S.C.R. 541
  • R. v. Municipal Ready Mix Ltd., [1999] N.S.J No. 281
  • Krieger v. Law Society of Alberta, [2002] 3 S.C.R. 372
  • Toronto (City) v. Canadian Union of Public Employees (C.U.P.E), Local 79, [2003] 3 S.C.R. 77
  • R. v. 3 for 1 Pizza & Wings Inc., [2006] O.J. No. 1623
  • Toronto (City) v. Canada Land Corp., [2006] O.J. No. 4489
  • Vojic v. Canada (M.N.R)(F.C.A.), [1987] F.C.J No. 811
  • Sagon v. Royal Bank of Canada (Sask. C.A.), [1992] S.J. No. 197
  • Olmstead v. Canada (Attorney General), [1998] F.C.J. No. 1461
  • Pfizer Canada Inc. v. Apotex Inc., [1999] F.C.J. No. 959
  • Nelson v. Canada (Minister of Customs and Revenue Agency), [2001] F.C.J. No. 1548
  • Daniels v. Canada (Minister of Indian Affairs and Northern Development), [2002] F.C.J. No. 391
  • Harris v. Canada (Attorney General), [2004] F.C.J. No. 1304
  • Getz v. Opseth, [2005] S.J. No. 103
  • Sanofi-Aventis Canada Inc. v. Novopharm Ltd., [2007] F.C.J. No. 548
  • Polgrain Estate v. Toronto East General Hospital, [2007] F.C.J No. 1479
  • Lehoux v. Canada, 2004 FC 401Distrimedic Inc. c. Dispill Inc., 2006 FC 832
  • Tench v. Canada 2000 CanLII 15743 (F.C.)
  • Sokolowska v. Canada, 2005 FCA 29
  • Holland v. Saskatchewan (Minister of Agriculture, Food and Rural Revitalization), 2006 SkQB 99
  • Kelly Lake Cree Nation v. Canada (T D), [1998) 2 F.C. 270, 1997
  • International Paints (Canada) Ltd. v. Spirit of Columbus (la Plate-Forme), 1999
  • Canadian Oplympic Association v. Usa Hockey, Inc., 1997 5256 (F.C.)
  • Sheriff v. Canada (Attorney General), 2006 FCA 139
  • Canada (Attorney General) v. Sheriff, 2005 FCA 1726
  • Article 221(1) of the Rules of the Federal Court
  • Article 183 and 192 of the Bankruptcy and Insolvency Act of Canada

Le présent document a été reproduit dans sa version originale, telle que fournie par le délégué du surintendant des faillites.