John Hainsworth Todd et Todd McMahon Inc. (Colombie-Britannique) —

Décision sur la conduite professionnelle

Qu'est-ce qu'une décision sur la conduite professionnelle?

Le BSF ouvre une enquête sur la conduite professionnelle d'un syndic autorisé en insolvabilité (SAI) lorsqu'il dispose d'information laissant croire que le SAI n'a pas rempli adéquatement ses fonctions, n'a pas administré un dossier comme il se doit ou n'a pas respecté la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (LFI).

Dans certains cas, les conclusions de l'enquête sont suffisamment graves pour donner lieu à une recommandation de sanction visant la licence d'un SAI [annulation ou suspension de la licence en vertu du paragraphe 13.2(5)] ou imposition de conditions ou de restrictions en vertu du paragraphe 14.01(1) de la LFI.

La décision sur la conduite professionnelle est assimilée à celle d'un office fédéral et peut faire l'objet d'un examen judiciaire par la Cour fédérale.

Dans l'affaire de
la conduite professionnelle
de
John Hainsworth Todd
titulaire d'une licence de syndic
pour la province de Colombie-Britannique
et
de
Todd McMahon Inc.
titulaire d'une licence de syndic corporatif
pour la province de Colombie-Britannique

Décision sur la sanction
sous le régime de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité

L'audience au cours de laquelle les parties ont présenté tous leurs éléments de preuve dans la présente affaire et fait leurs représentations uniquement quant à la question de savoir si la plainte était fondée a été tenue à Vancouver du 6 au . À cette audience, il avait été convenu que je me prononcerais d'abord sur la question de savoir si la plainte était fondée et que, si je concluais qu'elle l'était, les parties déposeraient leurs représentations écrites quant à la seconde question en litige, celle de la sanction, et feraient ensuite leurs représentations verbales au cours d'une conférence téléphonique.

Dans ma première décision, rendue le , j'ai conclu que la plainte était fondée et les parties ont déposé leurs représentations écrites comme elles avaient convenu de le faire. L'avocate de l'analyste principale puis l'avocat des syndics ont déposé leurs représentations écrites. Ensuite, l'avocate de l'analyste principale a répondu aux représentations de l'avocat des syndics, puis ce dernier répliqué à la réponse de l'avocate de l'analyste principale. Les représentations verbales ont été faites lors d'une conférence téléphonique tenue le . Ont participé à la conférence, l'avocat des syndics, le syndic individuel lui-même (à Vancouver), l'avocate de l'analyste principale (à Ottawa), l'analyste principale (à Toronto) et le soussigné délégué du surintendant (à Montréal).

J'ai examiné soigneusement les représentations des deux parties, les décisions qu'elles ont citées, les éléments de preuve et le droit applicable et je suis maintenant en mesure de me prononcer quant à la sanction et à la pénalité adéquates en tenant compte du raisonnement et des recommandations des deux avocats. Ma précédente décision sur la question de savoir si la plainte était fondée étant bien étoffée, il ne me sera pas nécessaire d'entrer dans les détails.

J'aimerais tout d'abord faire certaines observations concernant la dernière lettre de Me Clark, l'avocat des syndics. Dans cette lettre, l'avocat formule des objections à l'égard du paragraphe 10 de la réponse de Me Lang, avocate de l'analyste principale, à ses représentations écrites.

Dans ce paragraphe, Me Lang répond aux allégations de Me Clark selon lesquelles M. Todd a un dossier disciplinaire impeccable et qu'il s'agit de la première plainte portée contre lui en renvoyant à un certain nombre de décisions et de conclusions officielles du BSF qui sont défavorables à M. Todd, mais ne sont pas de nature disciplinaire et qu'elle annexe à sa réponse. Me Clark s'est opposé énergiquement à cette partie de la réponse de Me Lang dans laquelle elle allègue des faits nouveaux qui n'avaient pas préalablement été mis en preuve.

Durant la conférence téléphonique, j'ai conclu que l'objection de Me Clark était bien fondée en ce sens que si j'avais pris connaissance en quelque mesure que ce soit des documents en question j'aurais été tenu d'ordonner de rouvrir l'enquête pour donner à Me Clark la possibilité de présenter d'autres éléments de preuve à cet égard. Après discussion, Me Lang a accepté de mettre un point après les mots « contraire à l'intuition » à la septième ligne du paragraphe 10 de sa réponse, de rayer le reste du paragraphe et de retirer les documents en question. Je n'ai, par conséquent, accordé aucune attention que ce soit aux documents en question ou à la partie du paragraphe qui a été rayée; Me Clark s'est déclaré satisfait, et les deux avocats se sont entendus pour dire qu'il ne serait pas nécessaire de rouvrir l'enquête.

Pour déterminer la sanction adéquate, j'ai tenu compte des faits établis, des représentations écrites et verbales, des décisions citées, du but recherché par l'imposition d'une pénalité, des facteurs subjectifs et objectifs qui doivent être soupesés et des recommandations particulières des deux parties. Il est vrai que le syndic individuel n'a pas cherché à obtenir pour lui-même un avantage financier ou autre inapproprié en commettant un acte frauduleux, qu'il n'a pas obtenu de tel avantage et qu'il se peut qu'il ait uniquement eu l'intention de gagner du temps et d'épargner de l'argent en « recourant à des expédients ». Il est également vrai qu'il est question dans la présente affaire d'une seule proposition de consommateur conjointe, celle de M. et de Mme Davies, et que c'est la première fois que M. Todd fait l'objet d'une instance disciplinaire sous le régime de la LFI.

Malgré cela, l'affaire est extrêmement grave et une des rares comportant des allégations de violation du Code de déontologie des syndics. La conduite de M. Todd et le grand nombre d'actes et d'omissions inexplicables établis par les éléments de preuve ont compromis l'intégrité du système d'insolvabilité. De plus, certains individus et certaines personnes morales ont subi un grave préjudice. Il y a M. Orrell, un ami et collègue-syndic qui, parce qu'il avait naïvement accepté de rendre service à M. Todd a fait l'objet d'une sanction disciplinaire et a subi des conséquences négatives au plan professionnel; il y a la société Deloitte Touche, cabinet de comptables réputé, qui a pu, par chance, éviter l'imposition d'une mesure disciplinaire et qui a dû s'adresser elle-même aux tribunaux pour pouvoir se dégager du dossier; il y a la compagnie AFC, le plus important créancier des débiteurs, que M. Todd a exclu de la liste de créanciers et qui a dû intenter une poursuite pour faire annuler la proposition; il y a les débiteurs eux-mêmes dont la proposition entièrement exécutée s'est, à cause des actes et des omissions de M. Todd, avérée totalement inefficace pour résoudre leurs difficultés, particulièrement dans le cas de M. Davies dont la dette importante envers AFC subsiste par suite de l'annulation de sa proposition. (AFC a gracieusement accepté, pour des motifs d'ordre humanitaire, de retirer sa requête visant à obtenir l'annulation de la proposition de Mme Davies qui, autrement, aurait vraisemblablement été également accordée)

Chaque affaire est unique, et la sanction qui convient doit être déterminée en tenant compte de la situation particulière en cause. Dans la présente affaire, il ne semble pas que le syndic individuel ait intériorisé ou accepté le caractère répréhensible de son comportement à de très nombreux égards : il n'a pas suivi les règles et procédures de base dans les propositions; il n'a pas effectué le changement d'administrateur de la façon prévue dans la loi; il n'a pas convoqué les assemblées de créanciers requises aux termes de la loi; il n'a pas avisé le plus important créancier; il a administré l'actif, signé des documents et s'est fait passer lui-même ou le titulaire d'une licence de syndic corporatif comme l'administrateur, sans en avoir le droit; il a modifié un document déjà signé ou assermenté, sans en avoir le droit; il n'a pas modifié la proposition de la manière prévue dans la loi; il n'a pas suivi les règles concernant l'admissibilité d'une preuve de réclamation; et, d'une façon générale, il n'a pas compris en quoi consistent les devoirs de l'administrateur d'une proposition ou il les a délibérément ignorés.

Compte tenu de toutes les circonstances, je conclus que les sanctions qui conviennent sont les suivantes :

  1. En ce qui concerne le syndic individuel :

    1. la licence de John Todd est, par les présentes, suspendue pour au moins un an à compter de la date de la présente décision, et, pendant cette période, il n'aura pas le droit de remplir les devoirs et fonctions d'un syndic de faillite;

    2. la suspension de la licence de John Todd sera maintenue tant :

      1. qu'il n'aura pas comparu devant un comité ad hoc et réussi à démontrer oralement sa connaissance, sa compétence et son éthique professionnelle en relation avec l'administration des propositions de consommateurs;

      2. terminé avec succès un cours en déontologie des affaires dans un établissement d'enseignement reconnu, le cours et l'établissement d'enseignement devant être acceptables aux yeux du directeur régional du BSF pour l'Ouest du Canada.

  2. En ce qui concerne le titulaire d'une licence de syndic corporatif, Todd McMahon Inc. :

    la licence du titulaire d'une licence de syndic corporatif est, par les présentes, restreinte pour quatre-vingt-dix (90) jours à compter de la date de la présente décision et, pendant cette période, il n'aura pas le doit d'accepter de nouvelles nominations en vertu de la LFI dans son bureau d'Abbotsford ni aucune nouvelle nomination dans son bureau de Vancouver provenant de la région d'Abbotsford/Chilliwack ou qui seraient normalement ouvertes dans son bureau d'Abbotsford.

  3. En ce qui concerne le syndic individuel et le titulaire d'une licence de syndic corporatif :

    ils sont, par les présentes, condamnés conjointement et solidairement à rembourser à l'actif de la proposition de consommateur d'April Davies le montant de 2 107,61 $, soit le dividende net versé à John et Maxine Vozza sans documentation adéquate (montant que le syndic individuel s'était antérieurement engagé à rembourser) avec intérêts au taux de 5 % à compter du , la date de paiement du dividende; ce montant devant être remboursé dans les trente (30) jours suivant la date de la présente décision puis distribué avec intérêts de la façon suivante aux créanciers suivants :

    Ce montant devant être remboursé
    Créancier % du total Dividende payable
    CIBC Visa 79 % 1665,01 + intérêt
    Van City CU 3 % 63,23 + intérêt
    Van City Visa 18 % 379,37 + intérêt

Dès l'omission par les syndics d'observer l'une des sanctions ordonnées et à laquelle leurs licences sont assujetties, tel syndic sera immédiatement réputé en défaut conformément à l'alinéa 13.2 (5)b) de la Loi. Les sanctions (sauf le paiement du montant de 2 107,61 $ plus intérêt) entrent en vigueur trois (3) jours ouvrables après la date de la présente décision.

Fait à Montréal, le

L'honorable Perry Meyer, C.R.
Délégué du surintendant des faillites


Le présent document a été reproduit dans sa version originale, telle que fournie par le délégué du surintendant des faillites.