Jacques Roy (Québec) — le 

Décision sur la conduite professionnelle

Qu'est-ce qu'une décision sur la conduite professionnelle?

Le BSF ouvre une enquête sur la conduite professionnelle d'un syndic autorisé en insolvabilité (SAI) lorsqu'il dispose d'information laissant croire que le SAI n'a pas rempli adéquatement ses fonctions, n'a pas administré un dossier comme il se doit ou n'a pas respecté la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (LFI).

Dans certains cas, les conclusions de l'enquête sont suffisamment graves pour donner lieu à une recommandation de sanction visant la licence d'un SAI [annulation ou suspension de la licence en vertu du paragraphe 13.2(5)] ou imposition de conditions ou de restrictions en vertu du paragraphe 14.01(1) de la LFI.

La décision sur la conduite professionnelle est assimilée à celle d'un office fédéral et peut faire l'objet d'un examen judiciaire par la Cour fédérale.

Canada

District de faillite
de la province de Québec

Dans l'affaire du dossier disciplinaire du syndic Jacques Roy

Requérante : Sylvie Laperrière, analyste disciplinaire principale
-et-
Intimé : Jacques Roy, syndic

Sanction en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité


Par décision rendue le , nous maintenions quatre (4) plaintes contre le syndic Jacques Roy. Ainsi, nous décidions :

A. Dans le dossier Pierre André Jacob :

  1. Le syndic ne s'est pas acquitté de ses fonctions dans les meilleurs délais et n'a pas exercé ses fonctions avec diligence en n'acceptant pas la demande de substitution des représentants de Crédit Trans-Canada et en tardant à préparer le procès-verbal de l'assemblée des créanciers du , contrevenant ainsi à l'article 13.5 de la Loi et à la Règle 36. »

B. Dans le dossier Distribution Sunliner (1985) Inc. :

  1. « Le syndic a omis d'obtenir une déclaration d'un fonctionnaire de Distribution Sunliner (1985) Inc., permettant de confirmer l'exactitude au moment de la faillite de l'inventaire daté du , contrevenant ainsi au paragraphe 5(5) de la Loi et aux paragraphes 6 et 7 de la directive no 31 sur la prise d'inventaire des biens du failli, émise par le surintendant des faillites le . »
  2. « Le syndic n'a pas documenté son dossier :
    • Sur la rétrocession au syndic par Isomur du compte à recevoir de 6 031,43$ de Bay Distributors;
    • Sur les résultats obtenus relativement à la perception dudit compte à recevoir par le syndic et du solde de 9 000$ payable par Isomur;
    • Et sur la décision de reporter sine die ses démarches de recouvrement auprès de messieurs Georges Rivard et Jean-Yves Genest, du montant dû en vertu du jugement rendu le ;

    Contrevenant ainsi au paragraphe 5(5) de la Loi et au paragraphe 5 de la directive no 22 sur la réalisation des biens de l'actif émise par le surintendant des faillites le . »

  3. « Le syndic n'a pas exercé ses fonctions avec prudence :
    • En ne documentant pas son dossier sur le mandat accordé par le syndic à M. Yves Lemaire de Gérance Mauricie, de faire le suivi pour le syndic relativement à la récupération de sommes d'argent de BCL et ne documentant pas son dossier sur le changement de statut de M. Lemer qui, selon les dires du syndic, agissait pour la Banque Nationale du Canada pour le recouvrement de ces sommes;
    • En n'avisant pas BCL de faire parvenir les chèques à M. Yves Lemaire de Gérance Mauricie après appris le mandat obtenu de la Banque Nationale du Canada par ce dernier;
    • Et en autorisant ledit M. Yves Lemaire de Gérance Mauricie à ouvrir le courrier du syndic;

    Contrevenant ainsi à l'article 13.5 et au paragraphe 5(5) de la Loi, au paragraphe 5 de la directive no 22 sur la réalisation des biens de l'actif émise par le surintendant des faillites le ainsi qu'aux règles 36 et 52. »

L'analyste principal dans son rapport amendé du avait conclu au dépôt de quinze (15) plaintes contre le syndic dont certaines furent retirées séance tenante et d'autres rejetées par le soussigné.

En vertu de l'article 14.01(1) de la Loi, nous sommes appelés et sommes autorisés à prendre « une ou plusieurs des mesures énumérées ci-après » soit :

  1. annuler ou suspendre la licence du syndic;
  2. soumettre sa licence aux conditions ou restrictions qu'il estime indiquer et notamment l'obligation de se soumettre à des examens et de les réussir ou de suivre des cours de formation; et
  3. ordonner au syndic de rembourser à l'actif toute somme qui a été soustraite en raison de sa conduite.

Il n'est pas question ici de sommes soustraites en raison de la conduite du syndic. L'option c) ne s'applique donc pas.

Ayant pratiqué comme syndic depuis quelque vingt-cinq (25) ans et ayant siégé comme membre du Conseil d'administration puis vice-président de l'AQPRI (l'Association québécoise des professionnels en restructuration et en insolvabilité), il n'est pas question non plus de l'obliger à se soumettre à des examens et à les réussir ou à suivre des cours de formation. Il ne nous reste donc que l'annulation ou la suspension de sa licence de syndic.

Dans un article paraissant au numéro 137 de Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire, Me Patrick Denis Verville citait Me Sylvie Poirier quant aux facteurs qui devaient être considérés lors de l'imposition d'une sanction :

  1. Les facteurs objectifs :
    • la protection du public;
    • la gravité de l'offense;
    • l'exemplarité.
  2. Les facteurs subjectifs :
    • la présence ou l'absence d'antécédents disciplinaires;
    • l'âge, l'expérience et la réputation du professionnel;
    • le risque de récidive;
    • la dissuasion;
    • le repentire et les chances de réhabilitation du professionnel;
    • la situation financière du professionnel;
    • les conséquences pour le client.

« Dans tous les cas », selon l'auteur, « la sanction doit tenter de concilier, d'une part, la protection du public et, d'autre part, les droits du professionnel ».

Il ajoutait, par ailleurs : « l'appréciation des critères objectifs et subjectifs doit se faire à la lumière du principe voulant que la sanction doit avoir comme premier objectif la protection du public et non la punition du professionnel ».

L'honorable Raoul P. Barbe dans un jugement rendu le sous le numéro 500-02-119213-036 dans l'affaire Susanne Royer c. Micheline Rioux & al., reconnaissait que les principaux facteurs subjectifs à considérer pour déterminer la sanction appropriée en matière disciplinaire avaient été recensés dans l'article de Me Patrick Denis Verville intitulé « La sentence en matière disciplinaire ». Ils s'établissent comme suit : la présence ou l'absence d'antécédents disciplinaires, l'âge, l'expérience et la réputation du professionnel, le risque de récidive, la dissuasion, le repentire et les chances de réhabilitation du professionnel, la situation financière du professionnel et les conséquences pour les clients.

Au surplus, l'honorable Benjamin J. Greenberg agissant comme délégué au surintendant dans l'affaire Michel Leduc et Peter Wolkove, syndic, dans une décision sur la sanction rendue le , incorporait les considérants suivants dans sa décision :

« Whereas the sanction must not be tailored to reflect only the specific needs and situation of each trustee, but should also take into account the integrity of the bankruptcy and insolvency system; and

Whereas in professional conduct matters, the purpose of the sanction is not primarily to punish the professional, but also to have the effects of exemplarity and deterrence, so as to also protect the public and the integrity of the profession of bankruptcy trustee; and

Whereas, on the other hand, the principle of exemplarity and deterrence must not be over emphasized to the point where it becomes oppressive to the offender; »

Bien qu'il ait géré quelque 6 000 dossiers dans sa carrière comme syndic, les plaintes portées contre lui par l'analyste disciplinaire principal étaient les premières. Jamais les créanciers ne s'étaient plaints de sa façon de procéder. Il n'avait non plus jamais reçu de plainte du Bureau du surintendant des faillites. « J'ai toujours eu un grand respect pour la loi et les règles. » Le témoin est désolé que son image soit ternie.

Il reconnaît que le rapport de l'analyste principal de par sa publicité lui avait causé un grand préjudice. D'autres qui en avaient reçu un exemplaire s'étaient fait un devoir de le distribuer. Le rapport avait bien sûr été porté à l'attention de ses associés qui quand même ont su conserver la confiance qu'ils avaient en son intégrité. Son procureur, en argumentation, souligne que le syndic n'a été trouvé coupable d'aucun faux et qu'effectivement aucune somme n'avait été soustraite en raison de sa conduite.

Somme toute, le syndic avait été trouvé coupable de manquements ponctuels. Effectivement le syndic n'avait pas obtempéré à la lettre à certaines obligations spécifiques qui lui incombaient en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, ses règlements et directives.

Le syndic reconnaît son obligation absolue de suivre à la lettre toutes et chacune de ces dispositions. Il reconnaît en particulier son obligation de documenter son dossier conformément à la Loi, aux règlements et aux directives. Le procureur du syndic étala devant nous la politique du surintendant des faillites sur la publicité des affaires de conduite professionnelle et ajoutait que la publicité ainsi prévue constituait à elle seule une sanction des plus sévères contre le syndic.

Le procureur de l'analyste principal suggérait au soussigné une suspension de licence de deux semaines.

Compte tenu de la bonne réputation dont avait joui le syndic antérieurement aux plaintes portées contre lui et de la nature des plaintes retenues contre lui;

Attendu que le syndic a été trouvé coupable d'infractions à la Loi et aux Règlements sur la Faillite et l'Insolvabilité et aux directives du surintendant des faillites;

Nous ordonnons la suspension de la licence du syndic Jacques Roy pour une période d'une semaine à compter du .

Montréal, le

Délégué du surintendant des faillites


Le présent document a été reproduit dans sa version originale, telle que fournie par le délégué du surintendant des faillites.