Jean-Guy St-Georges et St-Georges Hébert Inc. —

Décision sur la conduite professionnelle

Qu'est-ce qu'une décision sur la conduite professionnelle?

Le BSF ouvre une enquête sur la conduite professionnelle d'un syndic autorisé en insolvabilité (SAI) lorsqu'il dispose d'information laissant croire que le SAI n'a pas rempli adéquatement ses fonctions, n'a pas administré un dossier comme il se doit ou n'a pas respecté la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (LFI).

Dans certains cas, les conclusions de l'enquête sont suffisamment graves pour donner lieu à une recommandation de sanction visant la licence d'un SAI [annulation ou suspension de la licence en vertu du paragraphe 13.2(5)] ou imposition de conditions ou de restrictions en vertu du paragraphe 14.01(1) de la LFI.

La décision sur la conduite professionnelle est assimilée à celle d'un office fédéral et peut faire l'objet d'un examen judiciaire par la Cour fédérale.

Canada
Province de Québec

Dans l'affaire des instances de discipline professionnelle en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité concernant St-Georges Hébert Inc., titulaire d'une licence de syndic pour une personne morale, et Jean-Guy St-Georges, titulaire d'une licence de syndic.

J'ai été saisi de la requête d'ajournement des syndics le . Précédemment, la cause avait été inscrite pour instruction sur le fond. L'audience devait durer une semaine, à compter du . La présente requête vise l'ajournement ou la suspension de l'audience sur le fond jusqu'à ce que la Cour fédérale ait tranché une requête en révision de ma décision antérieure. Cette décision, rendue en mai après deux jours d'audience, rejetait les objections soulevées par les syndics, notamment quant à ma compétence, pour des motifs constitutionnels. Au meilleur de mes connaissances, la Cour fédérale ne sera probablement saisie de l'affaire que dans plusieurs mois et peut-être même plus tard.

Des requêtes similaires ont été présentées dans d'autres instances de discipline professionnelle, notamment dans Roy, devant l'honorable Lawrence Poitras, ainsi que dans deux affaires dont est saisi l'honorable Fred Kaufman : Lévy et, plus récemment, Sheriff et al. Dans Lévy, le délégué a accueilli la requête d'ajournement, en soulignant la complexité de la cause, l'ampleur du dossier, le fait que l'audience prendrait quatre semaines et exigerait beaucoup de temps de préparation et des dépenses importantes, ainsi que le fait que des mesures conservatoires étaient déjà en vigueur pour protéger l'intérêt public. Toutefois, dans Sheriff et al., le délégué en a décidé autrement le , en refusant d'accorder l'ajournement et en soulignant la simplicité relative du dossier, le fait que l'audience ne nécessiterait que deux semaines et le fait qu'aucune mesure conservatoire n'était en vigueur. Soulignons également que, dans Lévy, l'analyste principal avait aussi demandé à la Cour fédérale d'infirmer la décision du délégué selon laquelle il avait compétence pour trancher les questions constitutionnelles. Néanmoins, l'analyste était opposé à l'ajournement!

Il va sans dire que le délégué a le pouvoir discrétionnaire d'accorder ou de refuser l'ajournement et que chaque cause est unique. De plus, lorsque la requête vise en réalité une suspension ou un sursis de fait (comme c'est peut-être le cas en l'espèce), la décision d'accueillir la requête peut constituer un excès de compétence ou un refus d'exercer une compétence. La Cour fédérale, qui a manifestement le pouvoir de prononcer une injonction dans le cadre de l'instance, devrait être saisie d'une telle requête. (Voir Anheuser-Busch Inc. c. Carling Breweries, une décision de la Cour d'appel fédérale, dans [1983] 2 C.F. 71).

À mon avis, les faits en l'espèce ressemblent davantage à ceux dans Sheriff qu'à ceux dans Lévy. Bien que des mesures conservatoires soient en vigueur, elles ont pour but de protéger les éléments d'actif administrés par les syndics et ne protègent aucunement l'intérêt public de façon adéquate. En l'espèce, le syndic travaille maintenant comme conseiller/employé auprès d'un autre syndic auquel les dossiers ont été transférés et conservera apparemment ce poste. Il semble qu'une audience rapide sur le fond ne causera pas de préjudice important et profitera même énormément au syndic si celui-ci est exonéré. Les coûts sont beaucoup moins élevés que dans Lévy et auraient pu être facilement atténués par les syndics si, tel que convenu au départ, ces derniers avaient procédé à l'instruction sur le fond en juin et soulevé à ce moment-là les mêmes arguments constitutionnels, et s'ils avaient alors introduit devant la Cour fédérale une seule instance traitant de toutes les questions en même temps. Soulignons aussi qu'en l'espèce, l'analyste principal, qui s'oppose à l'ajournement, ne s'est pas lui-même adressé à la Cour fédérale, ce qu'avait fait l'analyste dans Lévy.

De plus, si j'accueillais la requête, je crois que j'agirais d'une manière contraire à la lettre et l'esprit de l'article 14.02 de la LFI, lequel exige la tenue d'une audience rapide et expéditive, eu égard à l'intérêt de la justice et de l'équité. Si l'affaire se poursuivait bientôt, il serait probable qu'une décision sur le fond soit rendue avant même que la Cour fédérale n'entende la question constitutionnelle préliminaire. Dans un tel cas, les syndics pourraient introduire une nouvelle instance devant la Cour fédérale s'ils n'étaient pas satisfaits de ma décision. L'instance pourrait alors être jointe à la requête dont la Cour fédérale est présentement saisie et être entendue en même temps que la requête. Par conséquent, mon refus d'accorder l'ajournement ne causerait aucun préjudice, exception faite des coûts liés à la préparation et la tenue de l'audience d'une semaine. À eux seuls, ces coûts ne sont certes pas suffisants pour justifier une décision d'accueillir la présente requête.

Pour les motifs énoncés ci-haut, la requête visant l'ajournement ou la suspension de l'instance est rejetée. Je propose de tenir une conférence téléphonique avec les avocats dès que possible afin de choisir le moment opportun pour la tenue de l'audience sur le fond dans un proche avenir.

Pour conclure, j'aimerais remercier les avocats pour leurs observations écrites et orales ainsi que pour la doctrine et la jurisprudence qu'ils ont citées, lesquelles se sont avérées très utiles.

Signé à Montréal, le .

L'honorable Perry Meyer
Délégué du surintendant des faillites

Avocat de l'analyste principal :
Louis-Philippe Delage (Services juridiques d'Industrie Canada)

Avocats des syndics :
Jean-Philippe Gervais (Gervais & Gervais)
Pierre Larue (Malo Dansereau)

Avocat du procureur général :
Bernard Letarte (Ministère de la Justice)


Le présent document a été reproduit dans sa version originale, telle que fournie par le délégué du surintendant des faillites.