Rapport sur les tendances en consommation – Conclusion Savoir décrypter les tendances en consommation

Conclusion – Savoir décrypter les tendances en consommation

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Dans le présent Rapport, nous avons essayé de présenter les deux faces d'un tableau très complexe. Nous avons commencé par expliquer en quoi l'évolution de l'économie et du marché influe sur les consommateurs. Puis nous avons décrit avec plus ou moins de détails l'évolution de la situation socio-économique des consommateurs. À présent, nous résumons quelques-unes de nos observations sur l'interaction de ces deux faces du tableau de la consommation et les conséquences de cette interaction pour le travail analytique futur sur l'état du consommateur.

Un des thèmes forts qui se dégagent du Rapport est que les consommateurs ont été profondément et très différemment touchés par l'évolution du marché ces 20 dernières années. Certains consommateurs ont vu leur revenu et leur avoir net augmenter, mais il en va tout autrement pour d'autres, dont la situation est – selon certains – diamétralement opposée. Des facteurs individuels, comme la situation professionnelle, le revenu, l'éducation, l'âge et la structure familiale, font que les résultats sont très différents pour des consommateurs pourtant confrontés à la même évolution du marché. Certains consommateurs ont des possibilités et des choix sur le marché, alors que d'autres disposent d'un revenu limité, ce qui rend les produits et les services moins abordables et leur ouvre donc moins de choix. Ces consommateurs doivent affronter plus de risques, faute de temps ou de moyens pour bien évaluer les options. Nous nous attardons sur ces questions dans les paragraphs suivants.

Principales tendances de l'économie et du marché

Tout d'abord, en ce qui a trait à l'évolution économique et à celle du marché, quelques grandes tendances sont évidentes. Une croissance économique solide, des marchés plus ouverts et d'immenses progrès technologiques sont autant d'éléments qui se sont révélés très bénéfiques pour les consommateurs au cours des deux dernières décennies, période durant laquelle les revenus moyens ont également augmenté dans l'ensemble. Ces changements permettent de produire des biens et des services moins chers, plus fiables et plus pratiques, et la vitesse à laquelle les nouveaux produits et services se diffusent et se multiplient sur le marché apporte certainement des avantages aux consommateurs et ce, rapidement. Cependant, se tenir au fait de ces changements et apprendre à s'y adapter et à en bénéficier constitue un défi de taille pour les consommateurs. Les compétences qu'ils acquièrent pour utiliser quantité de biens et de services complexes sur le plan technologique peuvent être vite dépassées.

La déréglementation et l'ouverture à la concurrence de marchés naguère réglementés, comme les services financiers, les services énergétiques et les services de télécommunications, ont augmenté le choix des consommateurs, mais cela les oblige aussi à faire le tri des énoncés publicitaires et des coûts et avantages éventuels des services offerts.

En bref, le marché de la consommation moderne devient un endroit complexe, radicalement transformé, où l'information occupe beaucoup de place. Il est primordial, pour le consommateur d'aujourd'hui, d'être en mesure de traiter des volumes d'information importants et de comprendre les répercussions d'offres de produits et services ou de transactions qui peuvent s'avérer très complexes.

Évolution socio-économique des consommateurs

La situation sociale des consommateurs change aussi sensiblement. Non seulement le gonflement démographique de la génération du baby-boom entraîne un net vieillissement de la population, dont les besoins de consommation sont différents, mais les structures familiales traditionnelles changent aussi. Les familles ont moins d'enfants, les parents sont plus nombreux à travailler tous les deux, on dénombre davantage de familles monoparentales et plus de gens vivent seuls. Nombre de consommateurs dans ces groupes, notamment les familles où les deux parents travaillent et, tout spécialement, les parents seuls, ont de gros problèmes de gestion de temps et ont parfois du mal à trouver un moment pour absorber la quantité d'information complexe sur le marché qu'ils devraient évaluer.

Les consommateurs sont plus divers sur le plan culturel et plus urbains. Ainsi, Vancouver, qui figure maintenant parmi les villes les plus culturellement diverses du monde, a vu la proportion de sa population née à l'étranger passer de 30,1 % en 1991 à 37,5 % en 2001. Les défis et les possibilités que présente cette situation sont évidents : les gens d'affaires mettent au point de nouveaux produits et services pour répondre à des besoins culturels variés, et il arrive qu'ils aient de bonnes possibilités d'exportation, mais il est très difficile de protéger une population de consommateurs moins homogène sur le plan culturel et linguistique.

De plus en plus, les consommateurs canadiens sont instruits, mais les connaissances poussées nécessaires pour relever les défis du marché du XXIe siècle augmentent également. Parallèlement, quantité de consommateurs canadiens ont du mal à comprendre l'information complexe nécessaire pour évaluer la valeur et les risques associés à beaucoup de produits et de transactions de consommation importants, comme les contrats financiers et autres qui nécessitent un haut niveau de littératie et de numératie. Par exemple, quatre Canadiens sur dix âgés de 16 à 65 ans ne satisfont pas au seuil de littératie minimal souhaitable, autrement, ils ont beaucoup de mal à s'acquitter de tâches élémentaires, comme de lire un horaire d'autobus courant.

Le revenu des consommateurs après impôt s'est nettement amélioré au cours des dernières années, mais il est évident que la répartition du revenu se polarise davantage, ce qui signifie aussi que les possibilités et les défis économiques que rencontrent les consommateurs sont plus variés. Ainsi, la croissance du revenu se concentre de façon disproportionnée dans les familles à revenu élevé, alors que l'augmentation nette des revenus dans les groupes de revenu inférieur est bien moins marquée. En outre, les consommateurs du quintile de revenu le plus faible consacrent plus de la moitié de leur revenu à des dépenses élémentaires de nourriture, de logement et de vêtements.

Par ailleurs, le fait d'être propriétaire d'une maison, forme d'épargne auto-imposée qui, du moins depuis quelques années, s'apprécie, est sans doute un facteur déterminant important de l'avoir net des consommateurs. Par contraste, les consommateurs qui louent semblent avoir nettement moins de possibilités de faire augmenter leur avoir net. Les dettes et la capacité de les gérer sont problématiques pour de nombreux consommateurs. L'endettement net ne cesse de croître, les ratios d'endettement ayant augmenté depuis 20 ans pour passer de 75 % à plus de 100 % du revenu annuel. La croissance rapide des créances non garanties, dont le remboursement peut également coûter cher, est particulièrement troublante, notamment quand elle touche des consommateurs qui ont peu d'actifs matériels.

L'effet variable de l'évolution socio-économique

Pour évaluer la situation actuelle du consommateur, il ne suffit pas de décrire les différentes tendances du marché ou les changements intervenus dans la situation socio-démographique des consommateurs, mais il faut montrer l'interaction des deux par rapport à des groupes particuliers de consommateurs. C'est là que nous voyons en quoi l'interaction de facteurs produit des effets qui amplifient les avantages ou les problèmes que rencontrent aujourd'hui certains groupes de consommateurs. Voici, ci-dessous, quelques illustrations non exhaustives de ce type d'analyse. Comme le montreront clairement les descriptions ci-dessous, ces catégories démographiques ont un certain nombre de traits en commun, mais il peut aussi y avoir des différences notables parmi les consommateurs de chacune d'elles.

Le consommateur âgé

Les personnes âgées sont une catégorie de population croissante qui, en raison de leur nombre grandissant et de leur accumulation de richesses, auront probablement un pouvoir croissant sur le marché. Il est donc probable qu'on leur proposera de nouveaux produits et services sur mesure. Les familles âgées sont généralement beaucoup plus à l'aise qu'elles ne l'étaient autrefois.

Il arrive plus souvent aujourd'hui que des personnes âgées vivent seules et qu'elles puissent moins compter sur un soutien familial quotidien. Elles doivent prendre seules de nombreuses décisions financières et d'achat compliquées, pour lesquelles elles manquent parfois de connaissances.

Les personnes âgées, qui sont déjà très exposées aux fraudes et aux méthodes de marketing peu scrupuleuses, peuvent aussi devenir un groupe de consommateurs très vulnérables à l'avenir. De plus, bien des services sur lesquels elles comptent de plus en plus à cause de leur santé défaillante et/ou du manque de soutien familial (par ex., des services médicaux achetés sur le marché) peuvent se révéler coûteux.

L'évolution technologique rapide caractéristique du marché actuel crée un certain nombre de défis pour les consommateurs âgés. Beaucoup de nouveaux produits et technologies répondent aux besoins des personnes âgées – par exemple, de nouveaux appareils fonctionnels plus perfectionnés qui peuvent les aider à conserver leur autonomie -, mais étant donné qu'elles ne connaissent pas les nouvelles technologies et hésitent à les utiliser (par ex., la bancatique ou les nouvelles installations de libre-service dans les points de vente au détail), les personnes âgées ne peuvent guère profiter de bon nombre d'entre eux et, en tout cas, pas autant que l'ensemble de la population.

Le consommateur à la veille de la retraite

Ce groupe de consommateurs est bien placé pour profiter des possibilités qu'offre un marché en pleine mutation et à forte intensité de savoir. Leurs enfants ont grandi et leur hypothèque a diminué, ce qui fait que leur revenu disponible est important. À ce stade de la vie, les consommateurs pensent souvent à de « grosses dépenses », comme les voyages et les rénovations résidentielles, deux domaines où les plaintes des consommateurs sont généralement nombreuses.

Pour ces consommateurs, la diversification des produits sur le marché des services financiers est particulièrement bénéfique, étant donné leur situation financière, mais ils risquent aussi davantage d'avoir du mal à prendre des décisions d'investissement compliquées. Ils ont les moyens de recourir à des services consultatifs (par ex., à des conseillers en investissement), mais ces moyens signifient aussi qu'ils peuvent être particulièrement exposés à de mauvais conseils en matière de finances et d'investissement.

Familles biparentales avec enfants à charge

Ce groupe, généralement plus instruit que les générations précédentes, possède d'assez bonnes connaissances pour s'y retrouver sur le marché. Dans l'ensemble, le revenu de ces consommateurs a connu une croissance moyenne ou supérieure à la moyenne vers la fin des années 1990, tendance due à la proportion grandissante de familles à deux revenus. Comme ces familles en sont au stade de la vie où il est important d'acheter une maison, beaucoup d'entre elles ont peut-être bénéficié de faibles taux d'intérêt pour se lancer sur le marché du logement et ont donc au moins commencé à accumuler un solde d'actifs positif.

Cependant, les deux parents travaillant, ces familles doivent souvent composer avec un coût de la vie élevé dû à la nécessité d'acheter des services tels que des services de garderie ou de prendre ses repas à l'extérieur. Elles ont peut-être aussi des frais de transport, liés par exemple au fait d'avoir deux automobiles. Comme les ménages monoparentaux (voir ci-dessous), ce groupe court toujours après le temps, car il lui faut mener de front deux carrières tout en s'occupant de jeunes enfants ou d'enfants d'âge scolaire.

Pour les parents plus âgés avec des enfants adolescents, la gestion des frais d'éducation postsecondaire est une grande préoccupation, tout comme le manque de temps typique de la « génération sandwich », qui doit à la fois s'occuper de parents âgés et d'enfants adolescents. Il reste donc peu de temps pour s'intéresser au marché et moins de moyens financiers pour acheter des conseils. Il en résulte que ces consommateurs sont particulièrement à la merci d'erreurs de gestion de l'argent à long terme. Le fait que ce groupe ait vu son avoir net diminuer au cours des 20 dernières années ajoute à ces préoccupations.

Le consommateur parent seul

Les consommateurs de ce groupe ont au moins un enfant à charge. Ils sont confrontés à bon nombre des défis des familles biparentales, mais ils ont moins de ressources pour les relever.

Depuis quelques années, le revenu des parents seuls est en nette croissance, mais ils n'en ont pas moins de fortes chances d'appartenir aux quintiles de faible revenu et il est bien plus probable qu'ils dépensent le gros de ce revenu en nourriture, logement et vêtements, c'est-à-dire l'essentiel, ce qui leur laisse moins pour des dépenses discrétionnaires.

Ces consommateurs risquent aussi davantage d'être en retard dans le paiement de factures. Et comme il est moins probable qu'ils soient propriétaires, ils ont beaucoup de mal à constituer un patrimoine. Leurs dettes sont donc en grande partie non garanties et, par conséquent, coûteuses.

Le manque de temps est un problème évident pour les membres de ce groupe, étant donné les difficultés quotidiennes qu'ils rencontrent, ne serait-ce que pour élever seuls une famille. Il est donc difficile d'évaluer à fond les choix du marché. À cela s'ajoute un revenu limité qui ne donne pas aux parents seuls la latitude financière d'acheter des services ou des produits de commodité qui leur permettraient d'avoir le temps de mieux évaluer des achats complexes et de mieux gérer leurs finances personnelles.

Les parents seuls qui ne peuvent s'offrir un moyen de transport privé sont souvent confrontés à une difficulté supplémentaire, qui est de ne pas être assez mobiles pour se rendre dans plusieurs magasins afin de trouver les meilleurs prix ou pour aller dans de grands complexes de commerces de détail (par ex., des mégacentres commerciaux) qui proposent une grande sélection de produits et des bas prix.

Le jeune adulte consommateur

Dans l'ensemble, les jeunes adultes sont instruits, familiers des médias et versés en technologie. Le plus souvent, ils sont même à l'aise avec la technologie dans un marché de haute technologie à forte intensité de savoir, et se sentent capables de s'y retrouver.

Toutefois, les jeunes adultes qui entrent sur le marché font de gros achats en étant déjà bien plus endettés que la génération précédente, notamment à cause d'emprunts importants contractés pendant les études. À cause de ces niveaux d'endettement élevés et d'études postsecondaires longues, ce groupe a aussi du mal à établir de nouveaux ménages. Il entame donc plus tard que par le passé le processus d'accumulation d'actifs. La proportion de jeunes de 18 à 28 ans qui vivent toujours chez leurs parents a presque doublé en 20 ans, passant de 28 % en 1981 à 48 % en 2001.

Comme nous venons de le voir, la gamme de problèmes auxquels les divers groupes de consommateurs sont confrontés est assez large et, si tous les consommateurs rencontrent des possibilités et des défis lorsqu'ils fonctionnent sur le marché actuel, la combinaison des deux est très différente selon le groupe. À l'intérieur des groupes, les résultats peuvent varier sensiblement selon la situation individuelle. Ainsi, le niveau d'instruction élevé d'un parent seul peut influer considérablement sur ce qu'il a à affronter, en raison de revenus probablement plus élevés et d'une meilleure aptitude à comprendre des contrats de consommation compliqués, comparé à un parent seul peu instruit. De même, une famille biparentale avec enfants qui vient d'immigrer n'aura probablement pas les mêmes possibilités économiques que les autres familles biparentales, et ne s'en sortira sans doute pas aussi facilement dans ses interactions avec le marché.

Le défi de la recherche sur les tendances en consommation

Tout au long du Rapport sur les tendances en consommation, nous avons relevé un certain nombre de possibilités de recherche afin d'approfondir l'analyse de ce qui arrive aux consommateurs et au marché d'aujourd'hui. Cependant, le Rapport ne peut donner qu'un bref aperçu des questions qui se dessinent. Il est clair qu'il y a de nombreuses lacunes à combler, tant pour améliorer les données dont on dispose actuellement que pour mettre au point de nouvelles sources d'information. Beaucoup d'études connexes sont également nécessaires pour interpréter les données et en évaluer le sens.

Il est possible, notamment, de définir un ensemble clé d'indicateurs de la consommation qui permettraient de savoir comment les consommateurs s'en sortent sur le marché au fil du temps et qui pourraient constituer un ensemble d'indicateurs de référence des nouvelles questions. Ils pourraient, à ce titre, viser non seulement les tendances socio-économiques qui influent sur les consommateurs, mais aussi les tendances de la performance du marché, en communiquant les tendances en matière de plaintes, par exemple.

En dehors de la question de nouvelles études principales et connexes se pose la question importante du ciblage de cet effort de recherche. Dans le présent Rapport, nous avons insisté sur le fait qu'il était nécessaire de mieux comprendre plusieurs variables socio-économiques qui influent sur les consommateurs, y compris, par exemple, des questions aussi importantes que les suivantes :

  • Pour ce qui est de l'incidence de l'économie et du marché sur les consommateurs :
    • Quel est le niveau de concurrence nécessaire sur le marché pour protéger les intérêts des consommateurs, étant donné l'ampleur croissante des grands conglomérats de vente au détail?
    • Les services représentant une part croissante des dépenses de consommation, les consommateurs sont-ils vraiment en mesure d'apprécier la valeur et les risques des services offerts, vu les conditions et les contrats compliqués qui entourent leur prestation, et le fait que les services sont intangibles et souvent difficiles à évaluer avant de les utiliser?
    • En quoi les nouvelles technologies améliorent-elles le bien-être des consommateurs, notamment en changeant ce qui est offert sur le marché et la façon dont les biens et les services sont commercialisés et vendus?
  • En ce qui concerne la situation socio-économique des consommateurs :
    • Dans quelle mesure les consommateurs gèrent-ils bien leurs finances et évitent-ils les difficultés financières, étant donné le nombre croissant et la variété des instruments de financement par emprunt proposés?
    • Comment les ménages « nantis » et « démunis » s'en sortent-ils, étant donné que de plus en plus sur le nouveau marché, cela dépend non seulement du revenu, mais aussi d'autres ressources sociales importantes, comme l'éducation et le niveau d'alphabétisme, et le fait d'avoir le temps de prendre des décisions importantes?
    • À quels changements faut-il s'attendre sur le marché face à une population vieillissante croissante et quelles sont les nouvelles questions qui se poseront en matière de protection des consommateurs?
  • Quant à la façon dont les consommateurs fonctionnent sur le marché :
    • Quels renseignements sont ou devraient être mis à la disposition des consommateurs pour leur permettre de prendre des décisions propres à améliorer leur bien-être et à protéger leurs intérêts? Comment peut-on faire pour rendre cette information plus accessible et plus compréhensible?
    • Dans quelle mesure les consommateurs ont-ils des recours efficaces sur le marché actuel? Ont-ils les capacités et les outils voulus pour exprimer leurs sujets de préoccupation individuellement et collectivement lorsqu'ils ont le sentiment que leurs intérêts sont compromis sur le marché?

La liste ci-dessus est loin d'être exhaustive et, hormis la nécessité de faire participer davantage d'intervenants et de faire plus d'études, le défi que constitue la création d'un programme de recherche sur la consommation consiste à s'entendre sur les domaines de recherche prioritaires et sur les principales questions de recherche.