Rapport sur les tendances en consommation - Introduction

Introduction

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Pour une bonne politique publique, notamment pour quelque chose d'aussi complexe que les consommateurs sur le marché, il faut une bonne recherche et de bonnes données. Sans cela, il est pratiquement impossible d'élaborer les politiques, les lois et les règlements appropriés. Le présent Rapport porte avant tout sur la nécessité d'une meilleure recherche et de meilleures données sur le consommateur et sur sa place dans le marché actuel.

Souvent, malheureusement, l'information et la recherche actuelles ne sont pas à la hauteur de la tâche et se révèlent trop partielles ou dépassées. Plus important encore, il n'existe pratiquement pas de données ou de recherche sur certains développements importants qui influent sur les consommateurs et le marché. L'information et la recherche actuelles doivent donc non seulement être étoffées et améliorées, mais en plus il reste beaucoup de travail à faire.

Pourquoi est-ce important? En bref, sans doute, parce que presque tout le monde est consommateur, des jeunes enfants qui harcèlent leurs parents pour qu'ils leur achètent le tout dernier jouet dont ils ont vu la publicité à la télévision, aux personnes âgées qui essaient de savoir si un nouveau téléphone cellulaire leur serait utile et s'ils peuvent se l'offrir. Une chose est certaine : les consommateurs sont le principal moteur de l'économie de marché. Comme le montre la figure I.1, depuis deux décennies, les achats de consommation représentent plus de la moitié de l'activité économique au Canada. Le degré de confiance des consommateurs dans leur capacité de dépenser et de gérer leurs dettes peut influer considérablement sur la demande globale et, par conséquent, sur la croissance économique, la création d'emplois et l'investissement.

Figure I.1

La consommation en pourcentage du PIB, 1980–2003

Source : Statistique Canada, séries v646938 et v646937 de CANSIM.

En plus de leur rôle très important pour ce qui est de soutenir l'activité économique canadienne, les consommateurs jouent un rôle clé pour ce qui est de faire fonctionner l'économie de manière efficace et novatrice. Dans leur quête d'efficacité et leur recherche de nouveaux produits et services demandés par des consommateurs avertis, les entreprises doivent innover davantage en matière de conception et de fabrication et se montrer plus compétitives dans leurs méthodes de marketing, de vente et de distribution. Comme nous le verrons, pour que les consommateurs jouent ce rôle, avec l'appui des lois existantes sur la protection des consommateurs, il faut qu'ils soient capables de comprendre l'information et d'appliquer les compétences nécessaires pour bien choisir.

Changement important pour les consommateurs et le marché

Il ne fait guère de doute que les consommateurs sont des acteurs clés de l'économie, mais il est clair aussi que, depuis les grandes innovations dans la politique et la réglementation de la consommation dans les années 1960 et 1970, beaucoup de changements sont intervenus sur le marché pour les biens et services de consommation et dans la situation des consommateurs eux-mêmes. Songez, par exemple, à ceci :

  • Les consommateurs « branchés » peuvent utiliser Internet pour trouver des renseignements détaillés sur les produits et comparer les prix bien avant de faire un achat de consommation, possibilité qu'ils n'avaient pas avant les années 1990.
  • Un nombre croissant de Canadiens peuvent maintenant faire le tour du marché avant de choisir un fournisseur de services téléphoniques et, dans certaines provinces, d'énergie. Avant, il n'existait qu'un seul choix offert par des services publics très réglementés.
  • Le marché du détail s'est transformé pour passer à des mégacentres, ce qui a engendré le déclin des grands magasins traditionnels, et plusieurs secteurs clés du détail, comme les supermarchés et les pharmacies, sont dominés par quelques grands acteurs.
  • Ces 10 dernières années, la technologie a révolutionné la façon dont les Canadiens accèdent aux biens et aux services et dont ils les paient. Grâce aux guichets bancaires automatiques, ils peuvent retirer de l'argent 24 heures sur 24, sept jours sur sept, sans avoir à interagir avec quelqu'un.

Il est évident que les consommateurs n'ont pas affaire au même marché qu'il y a 20 ans. Mais il est tout aussi important de reconnaître que les consommateurs ne sont pas restés statiques pendant ce temps. En fait, beaucoup de tendances socio-économiques importantes se sont dessinées dans la population en général. La capacité des consommateurs de profiter pleinement du nouveau marché est liée à leur statut socio-économique, au fait de disposer des compétences et des ressources voulues et au fait d'avoir assez de temps pour prendre des décisions importantes. Considérez ce qui suit :

  • Les revenus, et la richesse, des consommateurs ont augmenté dans l'ensemble, mais ils se sont davantage polarisés depuis 20 ans, avec de lourdes répercussions sur le niveau de pouvoir d'achat discrétionnaire de divers groupes de revenu.
  • Sur le marché actuel, la capacité de lire des documents, des contrats et des instructions compliqués est essentielle, mais 40 % de la population canadienne se situe en dessous du niveau d'alphabétisme minimal souhaitable1.
  • Les ménages canadiens sont plus divers et ils deviennent plus petits; autrement dit, le « couple marié avec deux enfants » est moins courant, et la proportion des familles monoparentales et des ménages âgés a considérablement augmenté.
  • En raison de l'immigration, il y a une plus grande diversité culturelle et linguistique dans la population canadienne.

De meilleures données et plus d'analyses sont nécessaires

Malgré l'immense quantité de données économiques dont on dispose au Canada, il existe de nombreuses lacunes dans la recherche sur la consommation. On manque souvent de renseignements détaillés, faisant autorité, sur ce qui est arrivé aux consommateurs au cours des deux dernières décennies.

Il existe des sources d'information importantes sur les consommateurs et leur activité sur le marché, mais elles sont souvent limitées dans ce qu'elles peuvent nous dire. Ainsi, l'indice des attitudes des consommateurs, aussi appelé indice de confiance des consommateurs, est un indicateur utile mais très général de l'optimisme des Canadiens par rapport à la conjoncture économique courante.

Cependant, de par sa conception même, l'indice a un potentiel limité pour ce qui est de renseigner sur les facteurs sous-jacents qui influencent le comportement des consommateurs sur le marché, par exemple comment ils dépensent leur argent, quels besoins sont satisfaits et dans quelle mesure, et quels besoins ne le sont pas.

Certaines lacunes de la recherche sur la consommation résultent du fait qu'il n'y a pas suffisamment de données recueillies sur les consommateurs mêmes, et ce, selon diverses perspectives. Ainsi, l'utilisation croissante des services est une des questions de consommation les plus importantes des 20 dernières années. Entre 1986 et 1996, la consommation moyenne réelle de biens par ménage a baissé de 13,9 %, mais les dépenses de services ont augmenté de 7,8 %2. Les services présentent des possibilités et des défis importants pour les consommateurs. Côté positif, ils peuvent apporter des solutions novatrices pour des tâches longues et difficiles. Cependant, comme les services sont intangibles de par leur nature même, ils peuvent changer rapidement et sont difficiles à juger tant qu'ils ne sont pas utilisés. Néanmoins, il est généralement reconnu qu'il n'existe pas de données globales et opportunes sur la quantité et la qualité des services offerts dans l'économie aussi détaillées que celles dont on dispose pour le secteur de la production de biens.

En plus de la nécessité de données plus nombreuses et meilleures, il faut aussi en savoir plus sur les travaux de recherche sur la consommation en cours au Canada. Ainsi, il n'existe aucun inventaire fiable de la recherche ou des travaux analytiques sur la consommation menés dans le secteur public (fédéral ou provincial/territorial). Étant donné que des travaux analytiques sont réalisés par de petits groupes dans plusieurs ministères et organismes gouvernementaux disparates, les réseaux informels normaux qui échangent données et informations sur la recherche ne sont pas très solides. Il en va de même dans les milieux universitaires, les groupes de réflexion publics et la recherche commerciale. Les associations de défense des consommateurs sont un peu mieux organisées et plus au courant de la recherche entreprise par les différents groupes, mais leurs travaux sont relativement modestes au regard des normes internationales.

Contrairement aux États-Unis ou au Royaume-Uni, il n'existe pas au Canada de revue spécialisée consacrée à la recherche sur la consommation, ce qui fait qu'il y a peu d'occasions d'échanger ou de montrer les résultats des études menées. En outre, il n'existe pas de programme de financement de la recherche universitaire sur la consommation, et aucun établissement ou groupe de réflexion ne se consacre au sujet. D'après un spécialiste du domaine, en 2000, seules cinq ou six facultés ou départements universitaires canadiens proposaient d'étudier la consommation, comparé à 14 environ en 19883. Les conséquences de cette situation pour la formation et le perfectionnement d'analystes ou de chercheurs qui pourraient travailler dans ce domaine sont évidentes.

De bonnes données et une bonne analyse sont indispensables pour une bonne politique publique

Comme pratiquement tous les Canadiens sont des consommateurs, la recherche sur la situation des consommateurs devrait être très populaire. Par ailleurs, d'un point de vue gouvernemental, il est tout aussi nécessaire, pour un domaine aux conséquences si vastes et si directes pour la population tout entière, de fonder la politique sur des données solides. En l'absence de bonnes données et de bonnes analyses, il est impossible d'élaborer une bonne politique et, par conséquent, le risque qu'on l'on adopte des mesures inappropriées augmente.

Ce dernier point vaut tout autant pour les autres principaux acteurs, à savoir les associations de défense des consommateurs et les milieux d'affaires. Sans bonnes données et sans bonne analyse, les associations sont moins en mesure de défendre efficacement et vigoureusement les intérêts des consommateurs. Quant aux entreprises, elles ont tout intérêt à comprendre non seulement l'évolution des besoins des consommateurs, mais aussi les problèmes que ces derniers rencontrent sur le marché, afin de bien offrir les produits et services dont ils ont besoin et d'éviter des modèles et des politiques d'entreprise qui risquent d'aliéner ou de décevoir leurs clients.

Notre approche de l'examen des tendances en consommation

Ce premier Rapport sur les tendances en consommation adopte une approche économique et démographique assez simple en ce qui concerne la recherche en matière de consommation. Plus précisément, il examine des données économiques et socio-démographiques sous l'angle du consommateur afin de montrer en quoi l'évolution de l'économie et du marché, et des consommateurs eux-mêmes, a influé sur les rapports des particuliers avec le marché. Son analyse se limite donc aux principales tendances économiques et sociales, ce qui semble approprié pour un « premier » document qui devrait viser à fournir des données socio-économiques de base utiles sur la consommation et à repérer les lacunes dans les données et la recherche existantes (voir la postface pour une analyse succincte de quelques autres options analytiques en matière de recherche à ce sujet).

Le rapport se divise en deux parties. La première, intitulée « Les consommateurs canadiens dans une économie en mutation », examine les tendances structurelles et technologiques générales de l'économie et du marché au cours des deux dernières décennies, afin d'essayer de déterminer quels changements intervenus sur le marché ont une incidence particulièrement importante sur les consommateurs.

La deuxième partie, intitulée « Comprendre les consommateurs d'aujourd'hui », présente des données économiques, sociales et démographiques plus détaillées afin d'essayer de savoir en quoi la situation socio-économique des consommateurs canadiens a changé au cours des 20 dernières années, en quoi ces facteurs influent sur les produits et services que les consommateurs souhaitent trouver sur le marché, et si les consommateurs peuvent interagir avec le marché de manière à répondre à leurs besoins et à protéger leurs intérêts.

Portrait du consommateur

Aux fins du présent Rapport, le consommateur est une personne qui acquiert, consomme ou utilise un bien ou un service disponible auprès d'une source du secteur privé, pour usage personnel (individuel ou du ménage). Cependant, il est reconnu que cette définition est limitée et que divers intervenants aborderont l'intérêt des consommateurs en fonction de leur propre mandat.

Ainsi, les essais en groupes de consultation réalisés pour la Passerelle d'information pour le consommateur canadien4 ont révélé que les Canadiens se considèrent comme des consommateurs :

  • tout le temps (« Nous sommes des consommateurs 24 heures sur 24, sept jours sur sept. »);
  • partout (utilisation de produits à la maison ou au bureau);
  • quand ils achètent quelque chose dans le secteur privé (de produits de tous les jours à des services publics, en passant par des rénovations);
  • quand ils utilisent les services gouvernementaux (notamment les soins de santé et l'éducation);
  • même quand ils n'achètent rien (quand ils voient des publicités, se renseignent sur un produit, doivent utiliser la garantie d'un produit, etc.)5.

En outre, certaines définitions du consommateur comprennent aussi les petites entreprises, car elles doivent relever bon nombre des mêmes défis que les consommateurs « ordinaires »6.

À mesure que nous avancerons dans le Rapport, deux questions deviendront claires. Tout d'abord, bien des changements importants qui se produisent ne sont pas simplement fonction de ce qui se passe sur le marché ou dans la situation socio-économique des consommateurs. En fait, ils résultent de l'interaction de ces deux éléments. Ensuite, les consommateurs forment un groupe diversifié. Il est donc difficile de généraliser à leur propos. Leurs désirs, besoins et capacités sont souvent extrêmement différents, selon leur âge, leur sexe, leur situation sociale, leur lieu de résidence et leur revenu. Donc, ce qui est perçu comme étant une possibilité sur le marché pour un groupe de consommateurs peut représenter un problème pour un autre groupe. Mieux comprendre ces différences, tel sera un des grands défis de la recherche sur la consommation dans les années à venir.

Notes en bas de page

  • 1 Voir la section 4.2 pour des précisions sur l'Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes, qui évalue les capacités de lecture et d'écriture en cinq niveaux généraux, le niveau 3 étant considéré comme le seuil d'alphabétisation minimal souhaitable. Retour au texte
  • 2 Little, Don et Renée Béland, 1999. « Puis-je vous aider? » : la hausse des dépenses des ménages pour les services, Statistique Canada, janvier 1999, no 63-F0002XPB, no 21. Retour au texte
  • 3 Rapporté dans Sue McGregor, 2000, Status of consumer education in Canada, document présenté au Colloque inaugural sur la protection des consommateurs - mondialisation, allégement réglementaire et appauvrissement (mars 2000). Retour au texte
  • 4 La Passerelle d'information pour le consommateur canadien était un portail central en ligne qui donne accès à des renseignements et à des services aux consommateurs, offerts par plus de 400 partenaires membres d'organismes gouvernementaux et non gouvernementaux canadiens. Retour au texte
  • 5 Concept and Needs Testing for the Canadian Consumer Information Gateway, préparé par DELTA MEDIA INC. et sa filiale Vision Research, pour le Bureau de la consommation, Industrie Canada, 2002. Retour au texte
  • 6 En 2000, pendant les consultations législatives de ce qui était alors le ministère de la Consommation et du Commerce de l'Ontario, il a été proposé, entre autres, d'inclure les petites entreprises dans la définition du consommateur ontarien dans certaines circonstances. Cependant, faute de soutien, cette proposition n'a finalement pas été retenue. Retour au texte