Clauses raisonnables et équitables dans les propositions de consommateur

Le 5 décembre 2016

Question

En vertu du par. 5(2) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LFI), aux termes duquel il contrôle l’administration des actifs et des affaires régis par la LFI, le surintendant des faillites (surintendant) publie un exposé de position concernant l’inclusion par les syndics autorisés en insolvabilité (SAI) de « clauses d’escompte » dans les propositions de consommateur.

Après avoir examiné et analysé des propositions de consommateur déposées, le surintendant a constaté que les clauses d’escompte sont susceptibles de compromettre l’intégrité de l’administration de la procédure d’insolvabilité et, en outre, de mener à des résultats qui, et pour les débiteurs et pour les créanciers, sont contraires à ce que l’on pourrait considérer comme étant juste et raisonnable compte tenu des objectifs et de l’objet de la LFI.

Contexte

Dans le cadre de ses activités de surveillance et d’examen des plaintes relativement au maintien et à l’application du cadre réglementaire sur l’insolvabilité, le surintendant a relevé des cas où des clauses d’escompte sont incluses dans certaines propositions de consommateur déposées par des SAI pour le compte de débiteurs. Ces clauses sont associées à des dossiers dans lesquels un débiteur obtient contre rémunération les conseils d’un conseiller en gestion de dettes, qui le renvoie à un SAI pour obtenir de l’aide. Le SAI inclut ensuite une clause qui permet au débiteur de s’acquitter de ses obligations envers les créanciers dans une proportion de 75 % seulement de la valeur nominale de sa proposition de consommateur initiale, à une date qu’il fixe lui-même.

Suivant cette démarche, les conseillers en gestion de dettes font la promotion des clauses d’escompte auprès des débiteurs dans le contexte de « conseils financiers » afin de faciliter l’octroi de nouveaux prêts à taux d’intérêt élevés une fois que la proposition est acceptée. Pendant la période d’application de la proposition, le débiteur peut également devoir payer ce que l’on appelle des « frais de rétablissement de la cote de crédit », qui sont présentés comme se rapportant à des services qui visent à améliorer sa cote de crédit. Dans ce contexte, le débiteur peut contracter un nouveau prêt pour financer l’exécution de la proposition à rabais. Les économies qu’il paraît réaliser en raison de la réduction du remboursement effectué en faveur des créanciers de la proposition sont, dans les faits, complètement éliminées étant donné les intérêts élevés et autres frais dus à la tierce partie qui a accordé le nouveau prêt. Dans la pratique, le débiteur pourrait ne constater aucune réduction de ses paiements mensuels et voir une hausse nette du paiement total (après les honoraires, les frais initiaux et les intérêts), et pourrait devoir rembourser sa dette pendant des périodes qui dépassent le maximum de cinq ans prévu par la loi pour les propositions de consommateur. Or, ce même débiteur serait tenu à des dépenses moins élevées s’il maintenait plutôt sa proposition initiale (sans escompte) à sa pleine valeur.

Voici un exemple de ce type de clause :

À n’importe quel moment pendant la période d’application de la présente proposition, si le débiteur est en mesure d’obtenir les fonds requis et de verser à l’administrateur une somme égale au solde dû sur la proposition moins 25 %, la présente proposition de consommateur est réputée complète, et le proposant a le droit d’obtenir un Certificat d’exécution intégrale.

Le paiement unique qui vise à satisfaire à une proposition de consommateur de manière anticipée n’est peut-être pas en lui-même problématique. Il pourrait s’agir ici notamment d’un paiement unique rendu possible en raison de la capacité accrue du débiteur d’effectuer celui-ci du fait d’un revenu ou d’économies accrus ou encore d’une rentrée d’argent inattendue. Les clauses de propositions de consommateur qui ne dépendent pas du fait pour un débiteur de contracter une nouvelle dette se distinguent des clauses aux termes desquelles le débiteur doit s’endetter davantage afin de s’acquitter d’une dette existante à la date de son insolvabilité.

Analyse

Implications en ce qui concerne l’administration efficace des propositions de consommateur en vertu de la section II

Aux termes de l’article 66.12 de la LFI, le débiteur insolvable individuel dont les dettes s’élèvent à 250 000 $ au plus  exclusion faite d’une hypothèque grevant sa résidence principale  peut déposer une proposition de consommateur. Les dispositions qui concernent la proposition de consommateur ont pour but d’en permettre le traitement rapide et efficient, en tenant les frais d’administration et connexes à un minimum. La procédure de dépôt et d’administration d’une proposition de consommateur est simplifiée par rapport à celle qui s’applique à l’égard d’une proposition en vertu de la section I. Ainsi, une première assemblée des créanciers n’est habituellement pas tenue (par. 66.15(1) de la LFI), et la proposition est réputée acceptée par les créanciers à l’expiration d’un délai de quarante cinq jours suivant le dépôt de la proposition (par. 66.18(1) de la LFI). Par ailleurs, le SAI n’est habituellement pas tenu de s’adresser à un tribunal pour faire approuver la proposition parce que celle ci est réputée approuvée quinze jours après qu’elle est réputée acceptée par les créanciers (par. 66.22(2) de la LFI).

Étant donné leur cadre simplifié et leur nombre élevé, les propositions de consommateur ne seront administrées avec efficience et efficacité que dans la mesure, en partie, où elles sont élaborées de façon simple et prévisible, sans qu’il ne soit nécessaire de procéder à une analyse au cas par cas ou à une consultation par les parties intéressées. Les créanciers importants se tournent souvent vers des fournisseurs de services tiers pour gérer leur participation à l’examen et à l’approbation de propositions de consommateur au moyen de cadres décisionnels normalisés. Or, ces cadres pourraient ne pas permettre la prise en considération éclairée d’éléments non conventionnels, comme les clauses d’escompte.

Les débiteurs qui le souhaitent disposent des outils dont ils ont besoin pour satisfaire de manière anticipée à une proposition de consommateur, de sorte que les clauses d’escompte et autres clauses non conventionnelles accroissent inutilement la complexité de l’administration des propositions de consommateur.

Implications pour les créanciers

Grâce à ses activités de surveillance, le surintendant sait que la présence de clauses d’escompte dans les propositions de consommateur contribue à une réduction des sommes globales remises aux créanciers, sans que les consommateurs n’en tirent les avantages correspondants. Dans le contexte d’approbations simplifiées et du recours par les créanciers à une prise de décisions normalisée, afin d’examiner de manière efficiente les propositions de consommateur, l’on ne peut dire avec certitude si les créanciers relèvent et prennent en considération ces clauses dans tous les cas, tout particulièrement dans ceux où le rapport du SAI à l’intention des créanciers n’aborde pas expressément le caractère juste et raisonnable de cet élément de la proposition.

Étant donné que les propositions de consommateur assorties de clauses d’escompte incitent les débiteurs insolvables à contracter une nouvelle dette, habituellement à des taux d’intérêt très élevés, cette pratique pourrait avoir pour effet de rehausser les risques de défaut futurs pour d’autres créanciers garantis et non garantis qui n’ont rien à voir avec la proposition. L’on ne peut dire non plus avec certitude si les agences d’évaluation du crédit recevraient des établissements qui octroient des prêts aux débiteurs, pour qu’ils effectuent des paiements uniques à rabais, des renseignements qui rendraient compte avec exactitude du risque de crédit et de la fiabilité des cotes de crédit des consommateurs qui se prévalent des clauses d’escompte.

Implications pour les débiteurs

La LFI a pour objectif fondamental de permettre au débiteur de se remettre sur pied. La Cour suprême du Canada a affirmé que « la réhabilitation aide le failli libéré à réintégrer sa place dans la vie économique et à devenir un membre productif de la société »Note de bas de page 1 . La LFI est conçue pour faciliter ce nouveau départ de nombreuses manièresNote de bas de page 2. Ainsi, la libération des dettes obtenue au titre de la LFI « permet à la personne insolvable de ‘repartir à zéro’, car elle est ‘libérée du fardeau de ses dettes antérieures’ »Note de bas de page 3. En outre, la LFI veille à ce que le débiteur consommateur obtienne des conseils financiers tout au long de la procédure afin de faciliter sa réhabilitation, notamment des conseils sur l’adoption de stratégies de gestion financière prudentes, comme l’utilisation du crédit à la consommation et le fonctionnement de sa proposition de consommateur. Par conséquent, les propositions de consommateur offrent aux débiteurs l’occasion de rembourser une partie de leurs dettes sur une période pouvant aller jusqu’à 60 mois, à un rythme qu’ils peuvent se permettre. Ce processus vise à permettre au débiteur de s’acquitter de ses dettes et d’adopter des pratiques financières viables.

L’inclusion d’une clause d’escompte dans une proposition de consommateur encourage le débiteur à contracter une nouvelle dette pour ainsi satisfaire aux exigences d’une proposition de consommateur. Les activités de surveillance ont révélé que le consommateur insolvable est encouragé à résoudre ses problèmes financiers existants et à tenter d’améliorer sa cote de solvabilité en contractant un nouvel emprunt. Bien qu’il verse un montant réduit à ses créanciers s’il a recours à une clause d’escompte, le consommateur devra normalement en fin de compte payer beaucoup plus au cours de la période de son prêt que la valeur nominale de sa proposition aux créanciers, sur des périodes qui peuvent dépasser de beaucoup 60 mois. Dans de tels cas, les frais, les pénalités et les intérêts imposés par le prêteur sont un obstacle au rétablissement de la santé financière du débiteur, en particulier comparativement au remboursement sans intérêt que prévoit une proposition de consommateur.

Compatibilité avec les obligations du syndic autorisé en insolvabilité sous le régime de la LFI

Sous le régime des dispositions de la LFI qui se rapportent à la proposition de consommateur, le SAI prépare et dépose un « Rapport de l’administrateur concernant la proposition de consommateur » (art. 66.14 de la LFI et formulaire 48) dans lequel il exprime son avis sur le caractère juste et raisonnable de la proposition de consommateur, tant du point de vue du débiteur consommateur que de celui des créanciers, et sur les chances de celui ci de pouvoir le mettre en œuvre (sous al. 66.14a)(ii) de la LFI).

Les clauses d’escompte conçues pour faciliter les prêts par des tiers afin d’acquitter une dette encouragent le maintien de pratiques financières non viables. Dans la mesure où l’inclusion d’une clause d’escompte incite un débiteur à contracter de nouveaux prêts coûteux, les propositions qui incluent des clauses d’escompte ne peuvent raisonnablement être considérées comme étant justes tant du point de vue du débiteur que de celui des créanciers.

Conformité avec le Code de déontologie des syndics autorisés en insolvabilité

Étant donné leurs répercussions, le surintendant estime que les clauses d’escompte incluses par les SAI dans les propositions de consommateur vont à l’encontre des normes professionnelles et éthiques rigoureuses auxquelles les SAI sont tenus. Les dispositions suivantes des Règles générales sur la faillite et l’insolvabilité sont particulièrement pertinentes :

Article 34 : Le syndic se conforme à des normes élevées de déontologie, lesquelles sont d’une importance primordiale pour le maintien de la confiance du public dans la mise en application de la Loi.

Article 39 : Le syndic est honnête et impartial et fournit, conformément aux exigences de la Loi, des renseignements exacts et complets aux parties intéressées au sujet de ses activités professionnelles.

Article 44 : Dans toute activité professionnelle, le syndic évite les influences, les intérêts et les relations qui compromettent son jugement professionnel ou qui, aux yeux d’une personne avisée, donnent à croire qu’ils ont un tel effet.

Article 49 : Le syndic ne verse, ni directement ni indirectement, de commission, de rémunération ou d’autre avantage à un tiers en vue d’exercer une activité professionnelle et il n’accepte, ni directement ni indirectement, le versement par un tiers d’une commission, d’une rémunération ou de tout autre avantage pour lui avoir confié un travail lié à une activité professionnelle.

Article 50 : Le syndic n’accepte, ne sollicite ni n’exerce d’activité qui tendrait à discréditer la profession de syndic ou à compromettre l’intégrité du régime de la faillite et de l’insolvabilité.

Position

Se fondant sur ses activités de surveillance et d’analyse, le surintendant est d’avis que l’inclusion de clauses d’escompte dans les propositions de consommateur pose un risque à l’intégrité de l’administration de la procédure d’insolvabilité et, en outre, que les clauses d’escompte mènent à des résultats qui, et pour les débiteurs et pour les créanciers, sont contraires à ce que l’on pourrait considérer comme étant juste et raisonnable compte tenu des objectifs et de l’objet de la LFI.

En conséquence, dans les cas où le surintendant relève une clause d’escompte (ou une disposition inappropriée similaire) dans une proposition faite pour le compte d’un consommateur, le séquestre officiel demandera au SAI de convoquer une assemblée des créanciers, dont lui même assurera la présidence. C’est dans le cadre de cette assemblée que le SAI aura l’occasion de donner plus de détails sur les vérifications faites en ce qui concerne l’état d’insolvabilité du débiteur et d’expliquer comment la proposition, assortie de la clause d’escompte, est juste, raisonnable et réalisable. L’assemblée permettra de faire en sorte que les créanciers soient informés et disposent des renseignements dont ils ont besoin pour pouvoir décider de façon éclairée s’ils acceptent ou rejettent la proposition de consommateur ou s’ils demandent que des changements y soient apportés. Suivant l’assemblée des créanciers et s’il n’est pas convaincu que la proposition de consommateur est juste et raisonnable, le séquestre officiel peut prendre d’autres mesures en vue de maintenir l’intégrité du système d’insolvabilité.

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