Traitement de l’exemption du revenu en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu dans le calcul du revenu excédentaire

Janvier 2008

Définition de l'enjeu

Quelle position le surintendant a-t-il adoptée concernant la méthode de calcul du revenu excédentaire lorsqu'un failli reçoit de son employeur une allocation mensuelle pour la pension et le logement non comprise dans son revenu en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu?

Contexte

Dans certaines régions du Canada, il n'est pas rare que les employeurs offrent la pension et le logement aux employés travaillant en un endroit éloigné ou sur un chantier particulier ou bien qu'ils leur versent une allocation pour couvrir ces dépenses. En vertu des paragraphes 5(2), 6(6) et 6(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu, ces paiements ou montants ne sont pas pris en compte dans le calcul du revenu d'un contribuable, sous réserve de certaines conditions. Si ces montants sont exclus du revenu, ils n'ouvrent pas droit à pension, ne sont pas assurables et ne donnent pas lieu à une contribution au Régime de pensions du Canada, aux primes d'assurance-emploi ni au prélèvement d'impôt sur le revenu. Pour les besoins du présent document, on présume que les conditions susmentionnées sont remplies.

La nécessité d'élaborer le présent exposé de position est devenue évidente lorsqu'un syndic a été tenu de déterminer si un failli travaillant dans l'industrie pétrolière à Fort McMurray, en Alberta, avait ou non un revenu excédentaire en vertu de l'article 68 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (LFI). Si l'on prenait en compte l'allocation pour la pension et le logement, ce failli aurait eu des obligations considérables au titre du revenu excédentaire; en revanche, si l'on faisait le calcul sans ces montants, il n'aurait eu aucun revenu excédentaire d'après les normes publiées dans l'instruction no 11R. L'Agence du revenu du Canada a confirmé que l'allocation en question n'était pas considérée comme un revenu aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Articles applicables de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et de l'instruction no 11R, Revenu excédentaire

Instruction sur les facteurs relatifs au niveau de vie

68. (1) Le surintendant fixe, par instruction, pour les provinces ou pour un ou plusieurs districts ou parties de district, des normes visant l'établissement du montant du revenu total d'un particulier failli qui excède ce qui est nécessaire au maintien d'un niveau de vie raisonnable.

Revenu
(2) Pour l'application du présent article :
(a) le revenu total d'un failli comprend, malgré les alinéas 67(1)b) et b.1), ses revenus de toutes natures ou sources;
(b) les biens du failli, à l'exception des biens visés à ces alinéas, peuvent faire l'objet d'une exécution à titre de montant à payer à l'actif de la faillite.
établissement du montant
(3) Le syndic fixe, conformément aux normes applicables et compte tenu des charges familiales et de la situation personnelle du failli, le montant que celui-ci doit verser à l'actif de la faillite, en avise le séquestre officiel par écrit et prend les mesures indiquées pour que le failli s'exécute.
Instruction no 11R

Par. 6 (2) Le total du revenu mensuel de l'unité familiale est déterminé en déduisant de l'ensemble de ces revenus mensuels ceux des éléments suivants qui se rapportent à ce revenu :

(a) dans le cas d'un salarié, les remises minimales exigées par la loi (l'impôt sur le revenu, les retenues en raison d'un régime de retraite ou de l'assurance-emploi) et les retenues obligatoires payées;

(b) dans le cas d'un travailleur autonome, les dépenses et retenues d'affaires permises par la Loi de l'impôt sur le revenu ou par des dispositions provinciales similaires, les versements statutaires minimaux et les acomptes provisionnels en matière d'impôt.

Analyse

Selon la définition énoncée à l'alinéa 68(2)a) pour les besoins de la LFI, le « revenu total » d'un failli comprend « ses revenus de toutes natures ou sources ». Comme cette loi ne renferme aucune définition correspondante du terme « revenu », il est utile d'examiner la jurisprudence pertinente pour apporter certains éclaircissements. Dans l'affaire Millin (2005), 2005 Carswell BC 1794, 13 C.B.R. (5e) 91 (B.C.S.C.), le tribunal a statué que, pour répondre à la définition de l'alinéa 68(2)a) de la LFI, les fonds doivent remplacer un revenu, s'apparenter à un revenu, prendre la forme d'un revenu ou avoir conservé leur nature (antérieure) de revenu.

Le paragraphe 6(2) de l'instruction sur le revenu excédentaire indique la méthode pour déterminer le « revenu mensuel total », qui repose sur le « revenu mensuel » des membres de la famille. Il est également à noter que cette instruction renvoie à la Loi de l'impôt sur le revenu (ou aux lois provinciales similaires) pour ce qui est de déterminer les retenues admissibles et certaines dépenses reliées à l'emploi. Au moment de la rédaction de l'Instruction, il s'agissait d'une tentative délibérée d'assurer une certaine continuité dans l'interprétation des deux lois. En l'absence d'une définition du terme « revenu » propre à la LFI, il est selon toute probabilité également raisonnable de s'en remettre à la Loi de l'impôt sur le revenu pour obtenir une orientation. Et, comme nous l'avons déjà noté, les allocations admissibles pour la pension et le logement en un endroit éloigné ou sur un chantier particulier ne sont pas considérées comme un « revenu » en vertu de cette loi. En toute logique, on devrait conclure que si ces allocations ne font pas partie du revenu mensuel, elles ne peuvent faire partie du « revenu mensuel total » aux fins du calcul des obligations au titre du revenu excédentaire.

En outre, un « principe directeur » mérite que l'on s'y attarde en l'espèce. Dans l'affaire Maschek, 2007 ABQB 325, 32 C.B.R. (5e) 133, le tribunal a examiné l'incidence réciproque de la LFI et de la Loi de l'impôt sur le revenu sur la question du lieu de travail du débiteur. Dans sa décision, le registraire J.B. Hanebury a fait observer ce qui suit dans le paragraphe 9 de l'ordonnance :

La Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi sur la faillite et l'insolvabilité sont des lois fédérales. Selon un principe général de l'interprétation des textes législatifs, les lois fédérales devraient s'appliquer en harmonie. Selon Dreidger on the Construction of Statutes (2e édition), 1994, Butterworths, Canada (p. 288) :

Principe directeur. Le sens des mots dans un texte législatif ne dépend pas seulement de leur contexte immédiat, mais aussi d'un contexte plus large, qui comprend l'ensemble de la Loi et l'ensemble des lois en vigueur. Les présomptions de cohérence et d'uniformité d'expression s'appliquent non seulement aux lois traitant d'une même matière, mais aussi, quoique avec moins de force, à l'ensemble des lois adoptées par le législateur. Le législateur est présumé connaître ses propres lois et rédiger chaque nouvelle disposition en tenant compte des structures, des conventions et des formules d'expression, de même que du droit substantif exprimé dans la législation existante.

On peut aussi faire valoir l'argument du « traitement équitable ». Sur certains chantiers, l'employeur peut fournir directement la pension et le logement à titre gracieux. En pareil cas, l'employé ne touche aucune allocation. S'il n'existe aucune installation pour les accueillir ou qu'il n'y a pas assez de place pour tous les membres du personnel, les employés peuvent toucher une allocation mensuelle pour prendre eux-mêmes en charge ces dépenses. Pour des raisons de parité, quelle que soit la formule retenue dans leur cas, les travailleurs doivent être traités de la même façon pour ce qui est de déterminer leur revenu aux fins de l'article 68. Cette parité existe en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Enfin, un but fondamental de la LFI consiste à prévoir la réhabilitation des débiteurs et à leur permettre de jouer un rôle productif au sein de la société. Dans le cas des débiteurs qui travaillent en un endroit éloigné ou sur un chantier particulier, le versement d'une allocation pour la pension et le logement peut s'avérer un facteur déterminant quant à savoir si l'emploi constitue un choix viable. Il est possible que le coût de la vie soit si élevé en ces endroits qu'il deviendrait peu attrayant ou impossible pour le failli d'occuper un emploi permanent si l'on abolissait ou réduisait cette allocation (en lui imposant des obligations au titre du revenu excédentaire). Le législateur n'avait certainement pas l'intention de décourager de quelque façon ces faillis d'occuper un emploi permanent.

Pour les raisons énoncées ci-dessus, le Bureau du surintendant des faillites estime que les allocations pour la pension et le logement exclues du revenu en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu ne sont pas considérées comme un revenu aux fins du calcul du revenu excédentaire aux termes de l'article 68 de la LFI.